La cicatrice industrielle

Lambiotte dans la Nièvre, ancienne place forte de l’industrie chimique, offre aujourd’hui une vision glaciale de carcasses métalliques et de hangars en ruines. Sans parler du sous-sol, qui a refroidi les collectivités.
La Ville de Prémery et la Communauté de communes ne conserveront aucun bâtiment de Lambiotte. Être propriétaire des pierres, cela signifiait être responsable du sol. Justement le problème... Seules deux petites tours devraient rester en place.
C’était une usine, c’est devenu un monstre. Il n’en restera quasiment rien. La municipalité de Prémery et la Communauté de communes Entre Nièvres et Forêts viennent de renoncer à l’idée de conserver le moindre bâtiment sur le site Lambiotte, qui a fermé ses portes fin 2002. Selon un arrêté préfectoral datant du 21 septembre 2010, seules deux petites tours en pierres devraient être sauvées.

Depuis dix ans, l’ancienne entreprise chimique, spécialisée dans la carbonisation du bois, est une ombre terrifiante qu’un vaste chantier de dépollution, placé sous haute sécurité, s’emploie à chasser. 1.600 tonnes de produits dangereux ont été évacués.
« Il y a quelques années, on a vu des fûts exploser et sauter à dix mètres du sol », rapportent plusieurs témoins. Aujourd’hui, Lambiotte est enfermée derrière un grillage.
Les collectivités ont un temps songé à préserver plusieurs éléments du patrimoine. Une commission réunissant élus, architectes, historiens, anciens de Lambiotte et habitants, a même été créée pour plancher sur la question. « Il fallait se laisser le temps de la réflexion », rapporte le président de l’intercommunalité, Jacques Legrain. Réflechir pour connaître le coût, financier et écologique, de la mémoire.
Lors d’un récent conseil municipal, la Ville de Prémery a tranché. Si Lambiotte « constitue une page très importante de notre histoire », a-t-il été expliqué, les bâtiments présentant un intérêt architectural sont « très dispersés ». La présence massive d’amiante sur certaines toitures a également dissuadé d’aller plus loin.
Par ailleurs, « réclamer le maintien de ces bâtiments revenait à demander la propriété des sols et… de la pollution », justifie le maire, Gilbert Germain. Qui rêve de redorer le blason de la commune : « Dans le passé, il faut quand même savoir que McDonald’s a refusé de recycler ses huiles de friture dans le coin pour ne surtout pas être associé à l’image de Lambiotte »...
Lambiotte, un site orphelin dont personne ne réclame la paternité. « Le principe de précaution prévaut », indique une source proche du dossier. « L’état du sous-sol fait peur. On ne sait pas vraiment ce qui s’y cache et on n’a pas envie de prendre de risques. Les collectivités n’ont pas les moyens ». Selon la municipalité, la pollution des sols « se situerait surtout dans la partie chimie » et « sous les bâtiments ». La présence de benzène est évoquée.
Se souvenir... quand même
La Communauté de communes s’est, elle aussi, refusée à « prendre la propriété ou la responsabilité » des lieux. Mais le président, Jacques Legrain, ne veut pas oublier. Il est prêt à faire table rase du bâti, mais pas du passé. Convaincu qu’« on n’a pas encore fait le deuil » de Lambiotte, il appelle à « conserver une mémoire ». En plus d’un projet de musée virtuel, l’intercommunalité réfléchit à collecter du mobilier et à valoriser un urbanisme local très marqué par l’ère Lambiotte.
La déconstruction du site devrait débuter au premier semestre 2013. En plus d’une desserte routière, qui pourrait préparer une éventuelle reconversion industrielle, Jacques Legrain plaide pour « un aménagement paysager ». Des parcours pédagogiques pourraient être proposés. « Pour qu’on se souvienne de ce qu’il arrive quand on fait n’importe quoi. Et pour montrer que la nature peut reprendre le dessus ».

Stéphane Vergeade/ lejdc.fr/ 31/08/12 - 06H17













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