jeudi 12 décembre 2013

Vers Fourchambault

Pont de Loire

Attirés par le prestige du fleuve royal et par l'ampleur de ses paysages, de nombreux artistes se sont au cours des siècles attachés à donner une vision de la Loire tour à tour précise ou poétique. Les artistes du XVIIIè siècle en particulier ont affirmé une prédilection pour les vues urbaines qui mettaient en valeur le développement et la régularité d'un urbanisme tourné vers le fleuve. Le franchissement du cours d'eau par des ouvrages qui illustraient la maîtrise des ingénieurs de l'administration des Ponts et chaussées offrait un motif d'admiration supplémentaire. L'échelle de la ville était donnée par la ligne régulière des toits, rythmée par les hautes flèches des cathédrales et des nombreuses églises qui se silhouettent sur le ciel lumineux. L'approche de ces artistes permettait encore de mettre l'accent sur l'intense activité humaine qui se déployait sur les rivages. La navigation aux abords de l'embouchure, l'utilisation des ressources halieutiques ou le trafic de marchandises permirent l'essor économique des régions traversées par le grand fleuve. A la période suivante, la conception topographique cédera la place à des considérations plus naturalistes sur le paysage ligérien.
Véronique Moreau, Conservateur en chef au musée des Beaux-Arts de Tours



Au fleuve de Loire
Joachim DU BELLAY 1522-1560

Ô de qui la vive course
Prend sa bienheureuse source,
D'une argentine fontaine,
Qui d'une fuite lointaine,
Te rends au sein fluctueux
De l'Océan monstrueux,
Loire, hausse ton chef ores
Bien haut, et bien haut encores,
Et jette ton oeil divin
Sur ce pays Angevin,
Le plus heureux et fertile,
Qu'autre où ton onde distille.
Bien d'autres Dieux que toi, Père,
Daignent aimer ce repaire,
A qui le Ciel fut donneur
De toute grâce et bonheur.
Cérès, lorsque vagabonde
Allait quérant par le monde
Sa fille, dont possesseur
Fut l'infernal ravisseur,
De ses pas sacrés toucha
Cette terre, et se coucha
Lasse sur ton vert rivage,
Qui lui donna doux breuvage.
Et celui-là, qui pour mère
Eut la cuisse de son père,
Le Dieu des Indes vainqueur
Arrosa de sa liqueur
Les monts, les vaux et campaignes
De ce terroir que tu baignes.
Regarde, mon Fleuve, aussi
Dedans ces forêts ici,
Qui leurs chevelures vives
Haussent autour de tes rives,
Les faunes aux pieds soudains,
Qui après biches et daims,
Et cerfs aux têtes ramées
Ont leurs forces animées.
Regarde tes Nymphes belles
A ces Demi-dieux rebelles,
Qui à grand'course les suivent,
Et si près d'elles arrivent,
Qu'elles sentent bien souvent
De leurs haleines le vent.
Je vois déjà hors d'haleine
Les pauvrettes, qui à peine
Pourront atteindre ton cours,
Si tu ne leur fais secours.
Combien (pour les secourir)
De fois t'a-t-on vu courir
Tout furieux en la plaine?
Trompant l'espoir et la peine
De l'avare laboureur,
Hélas! qui n'eut point d'horreur
Blesser du soc sacrilège
De tes Nymphes le collège,
Collège qui se récrée
Dessus ta rive sacrée.
Qui voudra donc loue et chante
Tout ce dont l'Inde se vante,
Sicile la fabuleuse,
Ou bien l'Arabie Heureuse.
Quant à moi, tant que ma Lyre
Voudra les chansons élire
Que je lui commanderai,
Mon Anjou je chanterai.
Ô mon Fleuve paternel,
Quand le dormir éternel
Fera tomber à l'envers
Celui qui chante ces vers,
Et que par les bras amis
Mon corps bien près sera mis
De quelque fontaine vive,
Non guère loin de ta rive,
Au moins sur ma froide cendre
Fais quelques larmes descendre,
Et sonne mon bruit fameux
A ton rivage écumeux.
N'oublie le nom de celle
Qui toutes beautés excelle,
Et ce qu'ai pour elle aussi
Chanté sur ce bord ici.

William Godward

Carolus Duran

Eugène Ansen-Hofmann

William Bouguereau

Achille Beltrame

Lame de fond - Fanny Philippe
Loire en alexandrins

Loire, tu saignes ? Que caches-tu en ton sein ?
Tu pleures, j'entends tes sanglots sous la fronde
Tu te cognes, tes rouleaux meurent sans fin
La vie que tu abrites est fuyante et très sombre
Tu ne crois plus aux jours sans larmes, sans rien
En toi-même, tu te noies, tu t'effondres
La pénombre t'invite dans son immense festin
Tu n'existes plus, et devient inféconde
La nuit ne se tait pas et t'engloutit sans faim
Solitaire, insondable, ta vie n'était qu'une ombre
Ton âme s'évapore, se diluant enfin


La Loire des hydravions

Nous sommes en 1925, la marine de Loire a rendu l'âme. Le chemin de fer a eu la peau des piliers de barre, des grandes gueules et des vilains garçons. Les bateaux moisissent à quai, il n'y a plus de belles voiles carrées sur le fleuve. Pourtant ici, on s'agite sur le plan d'eau devant le pont. Un drôle de bateau, sans rame ni voile remonte le courant pour s'envoler juste avant le passage du pont.
C'est un hydravion. Le ministère de la Marine a jeté son dévolu sur la Charité pour en faire un aéroport. Un petit gars du pays travaille au ministère, on n'est jamais aussi bien servi que par les siens. L'idée fait son chemin. Le pays a besoin d'une base avant Paris. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, le rejeton de la cité nivernaise posa son dévolu à deux pas du prieuré clunisien. Bientôt la ville s'équipe d'une infrastructure convenable pour acquérir le trafic.
De 1925 à 1939, les « aloirisages » se multiplièrent sur le plan d'eau entre la rive et le Dhuy. S'il n'y eu de répertoriés que 94 mouvements d'appareils de ligne, ce sont les vols de démonstration, les baptêmes de l'air et les meetings aériens qui firent l'essentiel d'une activité très significative et fort juteuse pour certains. De toute la région, les gens se pressaient pour s'offrir une petite virée sur la Loire et dans les cieux.
Pour nourrir les hydravions, il fallait des bidons de gazoline et d'huile de ricin pour que la flottille prenne l'air et possède de quoi revenir au port. Les bidons de deux cents litres faisaient rarement la maille. Comme autrefois pour le fer, ils étaient remplis à l'estime, Il y avait souvent tromperie de cinq à dix litres, ce qui est toujours fâcheux ! Sur l'huile de ricin, la part des anges prenait une bien moindre proportion car ceux-ci ne faisaient que deux litres.
Cf/ La Camosine n°96


Faits divers en bord de Loire

Indre-et-Loire 26/05/2012
Une femme menacée de viol sur les bords de Loire
Alors qu'elle se promenait seule près des berges de la Loire le 8 mai dernier en fin de journée à Saint-Pierre-des-Corps, une femme a entendu un homme lui faire des avances peu poétiques. Elle a eu peur. Par chance, deux garçons passaient dans le secteur. Elle a attiré leur attention, ils se sont approchés, mais ont ensuite détalé lorsque l'homme a sorti de sa poche un couteau. Prenant ses jambes à son cou, la femme a aussi couru avec la peur d'être suivie par cet inconnu.
Il est resté sur place, puis la police l'a interpellé un peu plus tard. Agé de 48 ans, il a été présenté hier au tribunal en comparution immédiate.

Tours le, 22/08/2012
L'insécurité s'ancre-t-elle sur les bords de Loire ?
Des Tourangeaux se plaignent de va-et-vient et de l’ambiance bizarres entre les ponts Napoléon et Mirabeau à la nuit tombée.
Une voiture volée retirée de l'eau vendredi, trafic de drogue et divers faits de vols et violences… Il s'en passe des choses pas claires sur les bords de Loire à Tours, en amont et en aval de la guinguette. En la circonstance, il ne faut surtout pas montrer celle-ci du doigt, même si, évidemment, ce genre d'animation estivale attire toujours à ses frontières des gens nerveux et autres mauvais coucheurs.

Nevers le, 16/07/13
Un adolescent de 13 ans a chuté sur le radier, sous le pont de Loire, à Nevers, hier, vers 14h30, en voulant rejoindre à pied le site d’Un air de Loire depuis la place Mossé.
Emporté par le courant, il a malgré tout réussi à s’agripper à une branche qui lui a évité de heurter des rochers, de dériver et de se noyer. Une équipe de sapeurs-pompiers - trois plongeurs, un sauveteur aquatique et leur conseiller technique départemental, Enrique Larivé - a mis en pratique ses techniques, notamment de secours en eaux vives, pour mettre en sécurité le jeune homme.

Orléans le, 20/07/13
Dimanche dernier. Un couple de personnes âgées se promène en bord de Loire. Il est aux environs de 17 heures, et les époux font une mauvaise rencontre, quai Saint-Laurent.
Marchant en direction du pont de l’Europe, les personnes âgées croisent alors quatre jeunes femmes d’origine maghrébine. « Deux avaient des habits dans un orange très prononcé, ça attire l’œil, mon épouse n’a fait que les regarder, voilà tout?! », raconte l’homme de 73 ans toujours profondément marqué, même cinq jours après les faits. Nullement dévisagées donc, d’après le couple, les jeunes femmes s’en prennent alors à la promeneuse de 71 ans, tenant des propos racistes à son endroit, et la bousculant. « Elles ont giflé mon épouse. Choquée, elle s’est effondrée, j’étais obligé de la tenir. »

Publié le, 18/08/2013
Peut-on attraper la leptospirose en bords de Loire ?
Le mois dernier, un baigneur a contracté la leptospirose dans la Loire et a été hospitalisé à Tours. Cette maladie, essentiellement due à l’urine des rongeurs, peut être très grave, bien qu’assez rare.
Entre 250 et 300 cas en France. Le chiffre est faible, mais pas négligeable. La leptospirose est une maladie infectieuse, d’origine bactérienne, dont les symptômes font penser à la grippe, mais qui peut être mortelle si elle n’est pas traitée à temps. Les rongeurs sont les vecteurs les plus connus, mais l’urine des mammifères, des animaux familiers, sont aussi fréquents et importants dans nos milieux.

Tours le, 06/08/2013
Un poète est mort, noyé de chagrin, on l'appelait Nadjé.
Il s'est laissé couler dans la Loire à Tours où il habitait depuis de nombreuses années, après avoir quitté Paris où il était journaliste, marié et père. Il venait de la Côte d'Ivoire à l'origine mais je l'ai connu à Tours, où il laisse aussi un enfant, Vincent. J'ai un peu connu aussi ses "femmes" tourangelles, Evelyne, Solange. C'était un ami. Il avait cette folie que j'aime chez ceux qui savent rester en même temps simplement humains.
Sur ce bord de Loire, des "punks" accompagnés de leurs chiens ont pleuré.
Nadjé aimait les poètes, il était lui-même poète, mais plus que ça encore...
Extraits de la presse quotidienne locale


La Loire est morte ce matin

La Loire est morte ce matin
Entre Saint-Nazaire et Mindin
C'est un marin du bout du monde
Qui l'a poussée dans l'océan
Sans savoir pourquoi ni comment,
La triste fin pour une blonde.
Elle était née, du moins dit-on,
Au pied du Mont Gerbier des Joncs
Et son enfance fut farouche.
Elle a couru dans les cailloux
Entre les moutons et les loups,
La fleur de gentiane à la bouche.

Puis elle a grandi sans façon,
Mais dans les bois, les scieurs de long
Savaient déjà qu'elle était belle.
Et chacun d'eux rêvait la nuit
D'aller la promener au Puy
Pour lui offrir de la dentelle
Mais elle aimait mieux les rubans,
Les bleus, les rouges et les blancs,
Comme ceux que porte Marianne.
Et pour s'en pavoiser le cœur
Elle a suivi un colporteur,
Jusqu'aux fabriques de Roanne.

Mais c'est plus loin, près de Nevers,
Qu'elle a vu la feuille à l'envers
Avec ses yeux bleu de faïence.
Et c'est un bouvier Bourbonnais
Qui était son frère de lait
Qui a cueilli sa défaillance !
Ainsi le sort en fut jeté
En passant par la Charité,
Bon Dieu pourtant qu'elle était maigre !
Elle a séduit un gros marchand
Qui l'emmena en Orléans
Respirer la fleur de vinaigre.

Sur le chemin de ses amours,
Orléans ne fut qu'un détour
Car le bourgeois se la fit prendre
Par le roi qui venait à Blois
Le roi qu'on appelait François
François Premier la Salamandre !
Mais les amours s'ils sont princiers,
Se déchirent dans les ronciers
En allant cueillir la framboise,
Et c'est avec les jardiniers,
Les vignerons, les tonneliers
Qu'elle a goûté au vin d'Amboise.

Puisqu'à Tours on est puritain
Qu'on n'aime pas que les catins
Viennent jeter leurs sortilèges,
A Saumur elle est allée voir
Des cavaliers vêtus de noir
Qui font tourner un grand manège.
Elle a tourné jusqu'en Anjou
Avec encore du rose aux joues,
La rose blanche à son corsage.
Mais elle a su à Saint-Florent,
Quand elle a vu passer le temps,
Qu'un jour on la mettrait en cage !

A Nantes où sont les derniers ponts
Elle a voulu danser en rond
Ainsi que voulait sa nature.
Mais les hommes de ce pays
N'aimaient qu'une fille aux yeux gris
Qui leur promettait l'aventure.
Et pour la mettre à la raison
On a mis la Loire en prison
On l'a chargée de lourdes chaînes,
Ce furent ses derniers colliers.
Les négriers vont par milliers,
S'il n'y a plus de bois d'ébène.

Et quand sa peine fut purgée,
Elle a suivi un étranger
Pourquoi, pourquoi quand on y songe
Pour gagner cette maladie
Qui brûle encore à ce qu'on dit,
Aux quatre coins du port de Donges.
La Loire est morte ce matin
Entre Saint-Nazaire et Mindin
C'est un marin du bout du monde
Qui l'a poussée dans l'océan
Sans savoir pourquoi ni comment,
La triste fin pour une blonde.

Musique : Serge KERVAL, Paroles : Jacques DURAND-DESJEUX