samedi 6 avril 2013

Emma Dupont et Gérôme

Nu sur sa toile d'origine avec griffures, 30,5 x 45 cm - Collection madame Emma Dupont
Resté dans la famille par descendance

Le tableau provient de la même collection que les deux tableaux signés de Gérôme représentant Lionne et lionceau dans un paysage (toile, 22 x 32 cm) et Un lion sur un rocher dominant une vallée (17 x 33 cm), ayant figuré à la vente anonyme, Tajan - Paris, 22 juin 2006, n° 72 et 73.
Ce tableau-étude est à mettre en relation avec le "Bassin du Harem" (toile, 73,5 x 62 cm), exposé au Salon de 1876, n° 884, acquis par le tzar Alexandre III et actuellement conservé au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg.
On retrouve dans cette représentation la figure qui a sans doute servi d'étude pour la grande composition. Le tableau représente Emma Dupont, modèle et maîtresse du peintre, qui a notamment posé pour son Omphale (Modèles d'Artistes par Paul Dollfus - Paris, 1890, p. 100). L'Omphale, en plâtre, aujourd'hui perdue et anciennement conservée à Vesoul au musée Garret est connue par un tableau dans lequel Gérôme se représente dans son atelier en 1886 : "La Fin de Séance" (toile, 45 x 40,6 cm) conservé à Santa Ana, Frankel Family. Emma Dupont apparait dans une autre composition en compagnie du peintre : Le Travail du Marbre (toile, 50,5 x 39,5 cm) conservé à Greenwich, Dahesh Museum. C'est probablement encore elle que l'on retrouve dans Pygmalion et Galatée (toile, 88,9 x 68,6 cm) conservé à New-York, au Metropolitan Museum, peinture dont on remarque la gravure sur le mur au fond de "Le travail du marbre". La série de photographies qui représente Emma reprenant la pose d’Omphale en train de se faire dans l'atelier de L’artiste confirme le lien d’intimité entre Gérôme, son modèle et ses œuvres.
Emma Dupont, le modèle favori de l’artiste, dont on retrouve l'anatomie caractéristique dans les poses nonchalantes et variées des baigneuses du harem.
La jeune femme portait les cheveux pris sur le dessus de la tête, leurs donnant ainsi l'impression d'être coupés courts ce qui à l'époque était peu fréquent, ses hanches généreuses et très féminines, d'ailleurs encore davantage présentées de dos où le modèle devient alors vraiment callipyge, auraient également inspiré le grand sculpteur James Pradier. Emma, modèle plus ou moins professionnel, aurait aussi pris la pose pour Louis Bonnard, photographe de son état ; il est donc permis de penser que ce dernier serait l'auteur des clichés - six différents - avec un souci bien ordonné de mise en scène de l’artiste, de l'oeuvre sculptée, mais aussi du modèle qui rappelle l'attitude de la sculpture.


Jean-Léon Gérôme dans son atelier




Jean-Léon Gérôme dans son atelier-hôtel particulier - 6 rue de Bruxelles - près de la place de Clichy, Omphale la statue, réalisée un peu plus grande que nature, présentée lors du Salon 1887 avec Emma qui servit de référence.
Emma Dupont, le modèle favori de l’artiste, dont on retrouve l'anatomie caractéristique dans bien des tableaux...



La Fin de la pose

Mais que fait Emma, le modèle préféré et familier de Gérôme, perchée sur la sellette ?
Et cette petite fleur rouge ?
- Enlève-t-elle, dès la fin de la pose, le drap par curiosité jalouse et critique ?
- Couvre-t-elle simplement, avant de se rhabiller, la statue afin d’empêcher la terre à modeler de sécher ?
Là, repose toute l’ambiguïté dans l’interprétation de l’œuvre. Cependant, gageons que le facétieux artiste, qui se représente en train de nettoyer son matériel, n’a pas manqué d’entrevoir les deux possibilités.
En outre, l’œuvre peut paraître emblématique de l’art académique et pompier, dans la mesure où elle donne directement à voir, à imaginer, à rêver… Au contraire d’un art moderne bien plus décoratif que narratif et, très souvent, sans signification précise.